Terre d'écueil

Le feu des projecteurs balaie des tours muettes. Dans les entrailles d’un des immeubles, une main s’avance le long d’un tuyau et apparaît à l’endroit même où Solomon s’efforce de réparer la plomberie d’un logement. Il fixe un instant la main, puis allonge le bras pour la saisir.
Voilà un rare moment d’humanité dans cet univers froid et désincarné.
Récit de l’éternelle marche humaine vers des lieux hospitaliers, Terre d’écueil s’ouvre à l’instar de toute quête sur un rêve utopique. Traînant pour tout bagage une improbable et précieuse baignoire, les deux chercheurs d’asile que sont Solomon et Berta atteignent un jour une terre flamboyante leur promettant un répit après leurs nombreuses errances.
Qu’il s’agisse de réutiliser un sachet de thé ou de rafistoler des tuyaux, Solomon veut tirer le meilleur parti possible des événements. Mais Berta ne partage pas son optimisme et refuse de renoncer à ses rêves.
Les cinéastes Uri et Michelle Kranot dépeignent le couple au moyen de marionnettes de pâte à modeler en deux dimensions, qui évoluent dans un riche environnement essentiellement composé de papier découpé. Tout comme les protagonistes de Terre d’écueil se trouvent marqués par leurs voyages, les marionnettes, symboles immédiats et rafraîchissants du pouvoir de la créativité et de la résilience humaine, portent l’empreinte matérielle de leurs créateurs.
De leur arrivée chargée d’espoir à l’obsédante scène finale où Solomon et Berta prennent la mer, Terre d’écueil capte l’état d’instabilité dans lequel se trouvent les personnes déplacées, que ce soit par choix, ou par la force des circonstances.